Le nord du pays a été frappé dans la nuit de vendredi 4 à samedi 5 juin par deux attaques, dont l’une a fait au moins 160 morts, la plus meurtrière dans ce pays depuis 2015.

Les assaillants ont incendié les cases, les motos et un bus.

Quand Amadou a entendu les terroristes arriver à Sohlan, son village au nord-est du Burkina Faso, cette nuit du 4 au 5 juin, il se voyait déjà mort. Il était environ deux heures du matin quand cet orpailleur a vu un groupe d’hommes armés et enturbannés envahir la mine d’or.

« Je ne sais même pas où est ma femme »

Ils tiraient sur tout ce qui bougeait en criant Allah Akbar , raconte Amadou, sur son lit d’hôpital dans la capitale Ouagadougou, où il a été évacué samedi suite à ses blessures par balles. Lui a juste eu le temps de fuir et de se cacher sous un hangar, en attendant désespérément l’arrivée des forces de sécurité, au soleil levé. Selon une source sécuritaire locale, l’armée n’est arrivée sur place que vers 9 heures.

Amadou a perdu trois cousins et son enfant de cinq ans, tué dans l’attaque de leur domicile. Ma femme a été blessée alors qu’elle dormait, je ne sais même pas où elle est maintenant​, confie le rescapé, en langue fulfulde, encore sous le choc.

Selon le dernier bilan provisoire, 160 personnes ont été tuées dans l’attaque, la plus meurtrière jamais enregistrée au Burkina Faso, depuis le début des violences djihadistes en 2015 qui ont fait plusieurs milliers de morts. Parmi les victimes, une vingtaine d’enfants ​ont été abattus, d’après une source locale citée par l’Agence France-Presse (AFP).

Les corps ont été acheminés par triporteurs vers les fosses communes. | DR

Samedi, le président burkinabé Roch Marc Christian a dénoncé une attaque barbare ​et décrété un deuil national de soixante-douze heures. Dans un communiqué, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres s’est dit indigné ​et a condamné une attaque odieuse . Des opérations d’envergure ​étaient toujours en cours dimanche pour retrouver et neutraliser les terroristes , selon l’État-major général des armées burkinabé.

« C’était un carnage »

Le choc et l’incompréhension règnent. C’était un carnage, on n’a jamais vu ça , déplore Issouf Sow, le maire de Solhan. De nombreuses questions subsistent. Pourquoi viser des civils, notamment des enfants ? Selon plusieurs sources locales, les assaillants ont d’abord visé le poste des « VDP »​, les volontaires pour la défense de la patrie , des villageois recrutés par l’armée, avant de se diriger vers le site d’or et les domiciles. Les VDP ont fui en voyant qu’ils ne pourraient pas les combattre​, précise le maire.

Les assaillants n’ont pas encore été identifiés. | DR

Pourquoi, selon plusieurs témoignages, l’armée postée à Sebba, le chef-lieu à 12 kilomètres de là, a mis autant de temps avant d’intervenir ? Selon nos informations, l’axe était miné et a ralenti leur arrivée. Une femme et deux enfants ont d’ailleurs été tués par une mine en passant en tricycle, peu après l’attaque.

Face à la recrudescence des attaques djihadistes, l’armée burkinabée, sous-équipée et manquant d’effectifs, mise sur le recrutement de « VDP »​, créés en 2019. Mais en première ligne, ces supplétifs civils sont de plus en plus pris pour cible par les groupes terroristes. Vendredi, au moins 14 personnes ont été tuées, dont un volontaire, à Tadaryat, un village dans le nord du pays.

Pour le spécialiste des questions sécuritaires Mahamoudou Savadogo, la mise en place de ces volontaires dans les villages exposent davantage la population. À Solhan, une campagne de recrutement était en cours dans la zone ; le message envoyé est clair, l’objectif est de dissuader les habitants qui voudraient s’enrôler​, analyse cet ancien gendarme.