Le président sénégalais Macky Sall a fixé au 24 mars la tenue de l’élection présidentielle, a annoncé mercredi le gouvernement dans un communiqué. Cette annonce fait suite à la décision du Conseil constitutionnel, qui a rejeté dans la journée une proposition pour organiser le scrutin le 2 juin. De son côté, le parlement a adopté une loi d’amnistie des actes liés aux violences politiques des dernières années, au terme d’un vif débat.
Il s’agit d’un nouveau coup de théâtre dans l’organisation de la présidentielle au Sénégal. Le président Macky Sall a fixé au 24 mars la tenue de l’élection présidentielle, a annoncé, mercredi 6 mars, le gouvernement dans un communiqué.
Cette annonce intervient alors que le Conseil constitutionnel a jugé plus tôt dans la journée que la date du 2 juin, proposée comme nouvelle date de l’élection présidentielle qui devait se tenir le mois dernier, ne serait pas légale puisque ultérieure à la fin du mandat de Macky Sall, le 2 avril.
Le président sénégalais a également dissout mercredi le gouvernement et nommé le ministre de l’Intérieur, Sidiki Kaba, comme nouveau chef du gouvernement. Le Premier ministre Amadou Ba est ainsi « libéré » de son poste pour mener la campagne présidentielle, a fait savoir la présidence.
Le Conseil constitutionnel a par ailleurs rejeté une autre recommandation faite au président Sall et déclaré que la liste des 19 candidats déjà validée par l’institution ne devait pas être révisée.
Amnistie controversée
Le Conseil constitutionnel était saisi depuis lundi pour avis par le président Sall lui-même. Le chef de l’État lui soumettait des préconisations issues d’un « dialogue national » qu’il avait convoqué la semaine dernière pour tenter de sortir de la crise provoquée par le report de la présidentielle.
L’annulation surprise, annoncée par Macky Sall, de l’élection du 25 février puis la décision du Parlement de l’ajourner au 15 décembre, a provoqué l’une des plus graves crises politiques depuis des décennies dans ce pays, réputé pour sa stabilité, dans une région marquée par la multiplication des coups d’État.
Très critiquée dans le pays, cette décision, qui a provoqué de violentes manifestations, avait été invalidé, le 15 février, par le Conseil Constitutionnel qui l’avait jugé contraire à la Constitution.
Le « dialogue national » était un des éléments de réponse du président Macky Sall à la crise. L’autre était un projet de loi d’amnistie des actes liés aux violences politiques des dernières années, adopté mercredi soir.
Les parlementaires ont approuvé par 94 voix pour et 49 contre ce texte décrié par ses détracteurs comme mettant à l’abri les auteurs de faits graves, y compris des homicides.
Les députés ont débattu cette amnistie des faits liés aux troubles politiques des trois dernières années toute la journée mercredi. La question de son application à l’opposant emprisonné Ousmane Sonko, de son éventuelle remise en selle dans la course électorale, et plus généralement celle d’un réexamen de la liste des candidatures validée en janvier, agitait la classe politique.
Le projet amnistie tous les délits ou crimes, jugés ou non, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 et « se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques », selon le texte soumis mardi en commission.
La réconciliation, « seul objectif » de Macky Sall
Le Sénégal a connu entre 2021 et 2023 différents épisodes d’émeutes, affrontements, saccages et pillages déclenchés notamment par le bras de fer entre l’opposant Sonko et le pouvoir.
Ousmane Sonko, troisième de la présidentielle en 2019 et candidat déclaré en 2024, est détenu depuis juillet 2023 et a été disqualifié de la présidentielle dont il était l’un des favoris. En février, le Sénégal a été la proie de nouveaux troubles après l’annonce du report de l’élection.
Des dizaines de personnes ont été tuées depuis 2021, des centaines blessées, des centaines d’autres interpellées.
La présidence a justifié l’amnistie par la nécessité « d’apaisement du climat politique et social ». La loi « a pour seul objectif la réconciliation (…) Le président Macky Sall ne cache aucune mauvaise intention », a assuré lors du débat Farba Ngom, député du camp présidentiel.
De nombreux acteurs politiques et sociaux se dressaient contre le projet, s’indignant qu’aucun membre des forces de sécurité, ni aucun responsable gouvernemental n’aurait à rendre de comptes.
« Cette loi est un permis pour continuer à assassiner les Sénégalais. Loi d’amnistie, loi d’amnésie : pas en mon nom. Justice pour les assassinés et les torturés », s’était exclamé le député Guy Marius Sagna.
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Le projet ne faisait pas l’unanimité au sein du camp présidentiel, qui dispose d’une majorité précaire à l’Assemblée.
Le positionnement du Pastef, parti dissous d’Ousmane Sonko était scruté avec attention. Il s’était abstenu lors d’un vote préliminaire en commission mardi et a voté contre mercredi. Le Pastef « n’est pas demandeur » du texte, avait dit mercredi le député Ayib Daffé. Mais l’amnistie en soi est « quelque chose de louable ».
Avec AFP et Reuters